Revenir, de l’espace d’Arlequin au temps d’Ahmed

Théâtre
Parole d’artiste

Revenir, de l’espace d’Arlequin au temps d’Ahmed

Le 11 Mar 2020
Ahmed revient d’Alain Badiou, mise en scène et jeu Didier Galas, Festival d’Avignon, 2018. Photo Christophe Raynaud de Lage.
Ahmed revient d’Alain Badiou, mise en scène et jeu Didier Galas, Festival d’Avignon, 2018. Photo Christophe Raynaud de Lage.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 140 - Les enjeux du masque
140

Aujourd’hui, je suis de retour de Lud­wigshafen, en Alle­magne, où nous venons de présen­ter, devant un pub­lic fran­coph­o­ne, Ahmed revient d’Alain Badiou. Il s’agit d’un spec­ta­cle comique que je joue masqué et qui dénonce avec humour le racisme hexag­o­nal, en remon­tant à ses orig­ines. Mais c’est aus­si un spec­ta­cle qui pro­pose à cha­cun de penser par soi-même, loin du car­can des juge­ments com­mu­nau­taires. Les deux représen­ta­tions que nous avons don­nées ont ren­con­tré un franc suc­cès. Au-delà des rires et des applaud­isse­ments, ce qui m’a par­ti­c­ulière­ment frap­pé, c’était la com­préhen­sion et l’adhésion chaleureuse des spec­ta­teurs au pro­jet de la pièce. Nous étions loin de l’étrange inquié­tude et du rejet véhé­ment que ce spec­ta­cle a par­fois sus­cité en France. Comme si cette pièce, comique et poli­tique, ébran­lait un peu trop la « grandeur » de la « patrie des droits de l’homme ». Cette aver­sion pour le comique, n’étant pas sans rap­pel­er ce qu’écrivait Nico­las Boileau en 1674 :

« C’est par là que Molière illus­trant ses écrits
Peut-être de son art eût rem­porté le prix,
Si, moins ami du peu­ple en ses doctes pein­tures,
Il n’eût point fait sou­vent gri­mac­er ses fig­ures,
Quit­té pour le bouf­fon, l’agréable et le fin,
Et sans honte à Térence allié Tabarin.
Dans ce sac ridicule ou Scapin s’enveloppe,
Je ne recon­nais plus l’auteur du Mis­an­thrope ».

Force est de con­stater qu’en France, celui qui se tar­gue d’avoir édu­ca­tion et bon goût, a beau­coup de mal à appréci­er la farce : il préfère assén­er des leçons de morale aux histri­ons qui osent se moquer de la Cour. Com­ment ne pas penser aujourd’hui à la con­de­scen­dance que man­i­fes­tent cer­tains pro­fes­sion­nels du théâtre français quand on leur par­le de comique ou de masque ? Par­fois, cet objet sus­cite même de l’effroi, on en a peur ; peut-être parce que dessous, il y a un être caché, une iden­tité dis­simulée, un indi­vidu que l’Église catholique dénonçait autre­fois comme pécheur pour avoir renon­cé au vis­age que Dieu lui avait don­né « à son image ».

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Didier Galas
Didier Galas est comédien. Il a mis scène LA MONNAIE DE SINGE créé cette année...Plus d'info
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Les enjeux du masque sur la scène contemporaine

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Par Caroline Godart
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