Paroles d’artistes en Belgique

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Paroles d’artistes en Belgique

Extraits d’entretiens conduits par Laurence Van Goethem et Christian Jade en Belgique à partir d’un questionnaire élaboré par Martial Poirson.

Le 28 Mai 2017
Tiré de Christine Delphy, Classer, dominer – qui sont les « autres », La Fabrique éditions, 2008. Montage-photo de Sophie Sénécaut réalisé pour Alternatives théâtrales en 2017. Crédit Sophie Sénécaut.
Tiré de Christine Delphy, Classer, dominer – qui sont les « autres », La Fabrique éditions, 2008. Montage-photo de Sophie Sénécaut réalisé pour Alternatives théâtrales en 2017. Crédit Sophie Sénécaut.
Tiré de Christine Delphy, Classer, dominer – qui sont les « autres », La Fabrique éditions, 2008. Montage-photo de Sophie Sénécaut réalisé pour Alternatives théâtrales en 2017. Crédit Sophie Sénécaut.
Tiré de Christine Delphy, Classer, dominer – qui sont les « autres », La Fabrique éditions, 2008. Montage-photo de Sophie Sénécaut réalisé pour Alternatives théâtrales en 2017. Crédit Sophie Sénécaut.
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SÉLECTION PROPOSÉE PAR LAURENCE VAN GOETHEM

Sam Touzani

Je n’ai pas choisi la diver­sité, c’est la diver­sité qui m’a choisi. À la diver­sité je préfère l’égalité. Regarder la société par le prisme de la citoyen­neté. Si nous sommes citoyens, alors nous sommes à parts égales. Pour qu’il y ait un vivre ensem­ble, il faut qu’il y ait un libre ensem­ble. Le théâtre c’est quoi, la danse c’est quoi ? C’est un corps. C’est d’abord un corps libre. Il y a pire que la cen­sure, c’est l’autocensure.

Jas­mi­na Douiebw

Je crois que les arts vivants ont une respon­s­abil­ité dans la manière dont ils véhicu­lent des clichés sur ce que c’est qu’une tête d’arabe, un humour d’arabe, un imag­i­naire d’arabe… Bien sou­vent dans les cast­ings où on m’a con­tac­tée à cause de mon nom, on m’a dit que je ne fai­sais pas assez typée, parce que j’ai les yeux bleus, la peau claire, etc. Je fais moins arabe qu’une ital­i­enne ! Même pour un cast­ing pour jouer dans une cap­sule de préven­tion con­tre le racisme, on m’a dit que je n’étais pas assez typée maro­caine ! C’est un comble et pour­tant c’est la réal­ité. Comme si on avait encore du mal à ren­dre en images la vraie diver­sité, celle d’une mix­ité pro­fonde, faite de con­trastes, de con­tra­dic­tions. Des maro­caines aux yeux bleus qui ne par­lent pas l’arabe, des femmes met­teuses en scènes qui ne le sont pas par frus­tra­tion ou soif de pou­voir, mais parce qu’elles ont des choses à dire et à racon­ter au-delà de leur con­di­tion de femmes, juste parce que ce sont des êtres humains…

Roda Fawaz

On dit que le monde artis­tique est un monde à part, com­posé de gens dif­férents. On dit qu’un artiste ne regarde pas le monde avec les mêmes yeux qu’une per­son­ne lamb­da. On dit que les artistes sont tolérants, libres, fous, cul­tivés car nour­ris par la lec­ture des plus grandes œuvres… Eh bien non, Roda. Ce sont des hommes comme les autres. Tu ren­con­tr­eras des directeurs de théâtre plus intolérants que ces patrons de boîte de nuit qui ne veu­lent pas de toi. Tu ren­con­tr­eras des auteurs, met­teurs en scène tout aus­si igno­rants que ta voi­sine raciste. Tu ren­con­tr­eras des directeurs de cast­ing tout aus­si stu­pides que ce flic qui pen­sait qu’un habi­tant du Liban était un Albanais. Et j’en passe… Cer­taines sit­u­a­tions te fer­ont sourire, d’autres moins.

Con­so­late Sipérius

Il a fal­lu Choco­lat, Joséphine, et bien d’autres pour ouvrir le bal. Ils se sont bat­tus pour leur art et étaient con­scients de leur statut, de leur exo­tisme fasci­nant et en jouaient pleine­ment. Ce qui fait d’eux de grands artistes. Heureuse­ment il y a eu une grande avancée depuis. Je décide d’être avant tout une per­son­ne et non une couleur ou une représen­ta­tion d’une com­mu­nauté. Je m’efforce à espér­er que les artistes de ce domaine ont envie de tra­vailler avec moi car je suis moi et non une per­son­ni­fi­ca­tion de l’exotisme.

Soufi­an El Boub­si

On peut espér­er qu’à terme plus per­son­ne ne trou­vera incon­gru qu’un Noir ou un Arabe joue une par­ti­tion qui n’ait rien à voir avec son orig­ine. Je pense surtout aux pro­duc­teurs et dans une moin­dre mesure aux réal­isa­teurs. Cer­tains nous deman­dent encore de jouer avec un accent arabe pour être plus « crédi­ble » ! Le chemin est encore long !

Donc pour chang­er cet état de fait, je ne vois que la prise de con­science, l’envie et le courage poli­tique des met­teurs en scène et réal­isa­teurs. Ils peu­vent impos­er des acteurs issus des minorités dans des rôles où on ne les attend pas et lut­ter avec les pro­duc­teurs et les directeurs de cast­ing pour sor­tir de l’impasse dans laque­lle nous nous trou­vons. Le change­ment vien­dra d’eux ou ne vien­dra pas.

Serge Aimé Coulibaly dans Kalakuta Republik de Serge Aimé Coulibaly, Les Halles de Schaerbeek, 2017. Dounes photos.
Serge Aimé Coulibaly dans Kalaku­ta Repub­lik de Serge Aimé Coulibaly, Les Halles de Schaer­beek, 2017. Dounes pho­tos.

Serge Aimé Coulibaly

J’ai sou­vent croisé des pro­gram­ma­teurs de théâtre qui me dis­ent : « J’aime beau­coup votre tra­vail mais mon pub­lic ne com­pren­dra pas ». En général, on pense à un seul type de pub­lic. On oublie très sou­vent les autres, ceux qu’on ne voit pas dans les salles. Et de toutes façons, le pub­lic demande à être sur­pris. […]

Quand on assiste aux Récréâ­trales, fes­ti­val dirigé par Éti­enne Minoun­gou au Burk­i­na Faso, on y voit de nom­breuses créa­tions théâ­trales con­tem­po­raines avec des artistes for­mi­da­bles. L’Europe a autant à appren­dre du reste monde que le reste du monde a à appren­dre de l’Europe. Il faut sou­vent regarder plus loin que le pas de sa porte pour par­venir à réor­gan­is­er sa mai­son.

Consolate Sipérius dans On va bâtir une île et élever des palmiers de Lorette Moreau et Axel Cornil. Photo Anna Basile.
Con­so­late Sipérius dans On va bâtir une île et élever des palmiers de Lorette More­au et Axel Cornil. Pho­to Anna Basile.

Cathy Min Jung

En tant qu’actrice, j’ai eu quelques fois l’occasion d’être engagée pour des rôles cen­traux, sans que mon physique asi­a­tique ait eu une inci­dence par­ti­c­ulière dans le choix du met­teur en scène, mais il faut bien admet­tre que la plu­part du temps, si j’ai accès à des audi­tions ou des cast­ings, c’est pré­cisé­ment parce que l’on recherche des Asi­a­tiques et on n’en cherche pas sou­vent. Pour la télévi­sion ou le ciné­ma, c’est presque tou­jours pour des rôles sub­al­ternes, ou pour sur­jouer un stéréo­type. J’ai par­fois accep­té, ce n’est pas tou­jours évi­dent de refuser quand on débute dans le méti­er, plein de rêves et d’envies mais qu’il n’y a rien d’autre à se met­tre sous la dent. Un pro­fesseur au Con­ser­va­toire m’avait prév­enue que ce méti­er ne serait pas facile pour moi. Sur le moment, ça m’avait scan­dal­isée, mais en fait, il n’avait pas tort. Pour­tant, si je suis effec­tive­ment née à Séoul et que je suis d’apparence asi­a­tique, dans le fond, ma cul­ture est très occi­den­tale, j’ai gran­di en Bel­gique, dans une famille belge, j’ai fréquen­té l’école publique, ma langue mater­nelle est le français et je maîtrise très bien l’alexandrin. Ce qu’on appelle diver­sité dans mon cas ne tient finale­ment qua­si­ment qu’à mon apparence physique.

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Laurence Van Goethem
Laurence Van Goethem, romaniste et traductrice, a travaillé longtemps pour Alternatives théâtrales. Elle est cofondatrice...Plus d'info
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