Là où l’impossible se réalise : L’infini sur scène

Théâtre
Parole d’artiste

Là où l’impossible se réalise : L’infini sur scène

Le 20 Déc 2009
INFINITIES de John D. Barrow mise en scène de Luca Ronconi, hangar industriel, quartier Bovisa à Milan, 2001. Photos Marcello Norbertb, Piccolo Teatro di Milano - Teatro d'Europa.
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INFINITIES de John D. Barrow mise en scène de Luca Ronconi, hangar industriel, quartier Bovisa à Milan, 2001. Photos Marcello Norbertb, Piccolo Teatro di Milano - Teatro d'Europa.
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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 102-103 - Côté Sciences
102 – 103

LORSQUE LE Dr Pino Donghi de la Fon­da­tion Sig­ma Tau de Rome m’a demandé d’écrire le script d’une pièce de théâtre inté­grant des con­cepts sci­en­tifiques, j’ai d’abord cru qu’il plaisan­tait. En 1999, dans le cadre du Fes­ti­val de Spo­le­to, j’avais organ­isé et présidé un débat sur les dif­férentes manières de dif­fuser la sci­ence auprès du grand pub­lic. Cela m’avait mis en con­tact avec Ser­gio Esco­bar du Pic­co­lo Teatro de Milan et avait ali­men­té des con­ver­sa­tions entre Pino Donghi et Luca Ron­coni, un des met­teurs en scène les plus célèbres d’Italie récem­ment devenu directeur de créa­tion du Pic­co­lo. Ron­coni était impa­tient d’explorer de nou­velles voies et d’utiliser des con­cepts sci­en­tifiques au théâtre tan­dis que la Fon­da­tion Sig­ma Tau était ravie à l’idée d’introduire des moyens inno­vants pour présen­ter la sci­ence au pub­lic. Plusieurs pièces de théâtre mod­ernes à suc­cès, basées sur la vie et la psy­cholo­gie de sci­en­tifiques, comme COPENHAGUE de Michael Frayn ou LA VIE DE GALILÉE de Bertolt Brecht, avait déjà été con­sacrées à la sci­ence mais de manière super­fi­cielle seule­ment. Même si ce sont des pièces de théâtre cap­ti­vantes, les con­cepts sci­en­tifiques n’y jouent pas un rôle essen­tiel.

Je partageais les objec­tifs de Ron­coni. Je ne voulais pas créer une pièce de théâtre con­cer­nant les hommes et leur psy­cholo­gie ni adopter un style didac­tique de « sci­ence-en-fic­tion » au théâtre comme d’autres sci­en­tifiques l’ont bril­lam­ment fait avant moi. Ce créneau était déjà pris. Le défi était bien assez grand en lui-même, pour­tant je devais garder à l’esprit que ce j’allais écrire en anglais serait traduit en ital­ien, par Bruna Tor­torel­la, puis inter­prété par des Ital­iens pour des Ital­iens. Il n’y avait donc pas de place pour une comédie de mœurs bri­tan­nique.

L’infini est un con­cept abstrait presque unique, ce qui en fai­sait un sujet immé­di­ate­ment attrayant. Mal­gré ses liens avec de nom­breuses ques­tions com­plex­es et para­doxales à portée math­é­ma­tique, philosophique ou théologique, le con­cept nous est à tous étrange­ment fam­i­li­er. Toute per­son­ne croisée dans la rue ou dans un fau­teuil de théâtre peut se représen­ter cette notion. C’est le ver­sant accept­able de l’incompréhensible que nos tra­di­tions religieuses et notre pen­chant pour l’exagération ont ren­du de la sorte. Le sto­ry­telling nous sem­blait être un moyen appro­prié pour nous retrou­ver au cœur des para­dox­es de l’infini. Nous pou­vions ain­si les ren­dre fam­i­liers auprès du pub­lic, le plonger dans de nou­velles réal­ités où des car­ac­téris­tiques con­tre-intu­itives de l’infini étaient représen­tées grandeur nature. La plu­part des ten­ta­tives de vul­gar­i­sa­tion sci­en­tifique dans la tra­di­tion anglo-sax­onne utilisent une expli­ca­tion sim­ple accom­pa­g­née de nom­breuses analo­gies per­ti­nentes. La stratégie d’INFINITIES était dif­férente.

Nous avons organ­isé de nom­breuses séances de tra­vail dynamiques au cours des deux années précé­dant la pre­mière représen­ta­tion. Nous y avons esquis­sé les scé­narii extra­or­di­naires que Luca Ron­coni a remar­quable­ment créés sur scène, à par­tir de la tra­duc­tion de mon texte et de mes idées pour le décor et la mise en scène. Il a exploité l’exceptionnel espace théâ­tral du Théâtre Bovista de Milan mis à dis­po­si­tion du Pic­co­lo Teatro et dont j’avais reçu des pho­tos au préal­able. Nous avons créé une pièce de théâtre com­posée de cinq scé­narii indépen­dants, cha­cun présen­té dans un espace pro­pre qui explo­rait un aspect dif­férent de l’infini, spec­tac­u­laire­ment mis en scène par Ron­coni. Le défi pour les acteurs était immense et leur tal­ent a con­tribué à la créa­tion d’un suc­cès presque incon­trôlable, par­ti d’une sim­ple expéri­ence, avec une demande de tick­ets à laque­lle on ne pou­vait pas répon­dre.

Chaque scène avait donc un décor dif­férent, en rap­port avec son con­tenu, qui plongeait le pub­lic dans un monde imag­i­naire où il se sen­tait acteur et spec­ta­teur à la fois. Le pre­mier scé­nario pre­nait place dans un décor imposant, au sein de l’immensité de l’Hôtel de l’Infini, qui, même lorsqu’il est au com­plet, a tou­jours des cham­bres pour infin­i­ment plus de per­son­nes, ce qui crée d’innombrables prob­lèmes pour le per­son­nel et pour les clients.

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John D. Barrow
John D. Barrow était un éminent astrophysicien et mathématicien, membre de l’Académie des Sciences et...Plus d'info
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