Étudier la crédulité du public par la performance : THE COUPLE IN THE CAGE de Coco Fusco et Guillermo Gómez-Peña

Compte rendu
Performance

Étudier la crédulité du public par la performance : THE COUPLE IN THE CAGE de Coco Fusco et Guillermo Gómez-Peña

Le 18 Avr 2013
THE COUPLE IN THE CAGE de Coco Fusco et Guillermo Gomez-Pena Madrid, 1992. Special Collections and Archives, the U.C. Irvine Libraries, Irvine, California.

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THE COUPLE IN THE CAGE de Coco Fusco et Guillermo Gomez-Pena Madrid, 1992. Special Collections and Archives, the U.C. Irvine Libraries, Irvine, California.
Article publié pour le numéro
116

TWO UNDISCOVERED AMERINDIANS, appelée aus­si THE COUPLE IN THE CAGE, est une œuvre de per­for­mance créée en 1992 par Coco Fus­co et Guiller­mo Gómez-Peña, deux artistes et théoriciens de la per­for­mance d’origine lati­no-améri­caine vivant aux États-Unis.
Dans cette pièce, les per­formeurs s’exposent eux-mêmes dans une cage en se présen­tant comme des mem­bres d’une nation autochtone qui aurait été décou­verte tout récem­ment. Satire du principe colo­nial d’exposition vivante, la per­for­mance incar­ne le stéréo­type du cou­ple d’Indiens sauvages, coupés de la civil­i­sa­tion, pour cri­ti­quer vive­ment ce cliché, ain­si que le colo­nial­isme de manière générale. Prof­i­tant de l’occasion des célébra­tions et con­tre-célébra­tions du 500e anniver­saire de l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique qui avaient lieu autour du monde en 1992, elle a d’abord été présen­tée à la Plaza de Colòn à Madrid, puis elle s’est déplacée au Covent Gar­den à Lon­dres, dans dif­férentes villes des États-Unis (dont Wash­ing­ton, Chica­go et New York), à Syd­ney en Aus­tralie et enfin à Buenos Aires en Argen­tine.

Les per­formeurs demeu­raient générale­ment trois journées con­séc­u­tives dans leur cage, à rai­son de plusieurs heures par jour. Ils étaient emmenés à la cage en étant tenus en laisse par des « gar­di­ens », qui étaient de con­nivence avec eux. Per­son­nifi­ant des autochtones provenant de l’île (fic­tive) de Guatin­aui, les artistes étaient nour­ris par ces mêmes gardes, quelques fois par des spec­ta­teurs. Ces derniers pou­vaient pay­er pour faire danser ou chanter les per­formeurs (cinquante sous), ain­si que pour se faire pho­togra­phi­er en leur com­pag­nie (un dol­lar). La cage, de couleur dorée, était fer­mée avec un cade­nas. On y trou­vait dif­férents acces­soires, for­mant un ensem­ble hétéro­clite, volon­taire­ment anachronique. Cette inco­hérence kitsch se retrou­ve égale­ment dans les cos­tumes des per­formeurs. « I was dressed as a kind of Aztec wrestler from Las Vegas, and Coco as a Taina straight out of Giligan’s Island1 », résume Gómez-Peña. Pro­pre­ment incor­rects au niveau ethno­graphique, les cos­tumes portés par les deux per­formeurs par­ticipent d’une exagéra­tion car­nava­lesque.

Sus­citer la con­fu­sion

Dans son ouvrage PERFORMANCE : A CRITICAL INTRODUCTION, Mar­vin Carl­son écrit :
« It is quite appro­pri­ate that UNDISCOVERED AMERINDIANS is prob­a­bly the best-known per­for­mance piece of the 1990s, not only because it touched upon so many of the cen­tral con­cerns of per­for­mance in that decade – includ­ing spec­ta­tor­ship and dis­play, the touris­tic gaze and cul­tur­al appro­pri­a­tion, colo­nial­ism, racism, and the dynam­ics of cul­tur­al inter­ac­tion – but also because it fea­tured two of the best-known and most influ­en­tial per­for­mance artists of the decade. »2

Si elle est aujourd’hui recon­nue en tant qu’œuvre de per­for­mance de pre­mière impor­tance, la pièce de Fus­co et Gómez-Peña, au moment de sa présen­ta­tion, n’a pas néces­saire­ment été saisie comme œuvre de créa­tion satirique. Devant cette étrange expo­si­tion-spec­ta­cle, les spec­ta­teurs étaient per­plex­es, con­fus. « Pro­vok­ing this state of con­fu­sion, guilty plea­sure ‚and gen­uine sad­ness is, I feel, the pow­er and the bril­liance of the per­for­mance »3, affirme Diana Tay­lor.

Voir deux per­son­nes en cage devait nor­male­ment sus­citer un cer­tain malaise, un trou­ble, des émo­tions con­tra­dic­toires et éventuelle­ment une réflex­ion sur l’altérité, l’identité cul­turelle, l’Amérique, la coloni- sation. Cette per­for­mance auda­cieuse con­stitue une métaphore incar­née de la « ren­con­tre » occa­sion­née par la « décou­verte » de l’Amérique, mais aus­si de la ségré­ga­tion sym­bol­ique de l’altérité, illus­trée par les bar­reaux de la cage.

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Jonathan Lamy-Beaupré
Jonathan Lamy-Beaupré est chercheur affilié au Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et...Plus d'info
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