Se réapproprier le politique

Entretien
Théâtre

Se réapproprier le politique

Entretien avec David Bobee et Ronan Chéneau

Le 12 Jan 2009
FÉES, un spectacle du Groupe Rictus. Texte : Ronan Chéneau. Mise en scène : David Bobée. Interprétation : Fanny Catel-Chanet, Abigaïl Green, James Joint. Décor: Patrick Demière. Lumière : Stéphane Babi Aubert. Son : Frédéris Deslias. Vidéo : José Gherrak. FÉES a été publié aux Solitaires intempestifs (comme RES / PERSONA et CANNIBALES, les deux autres volets de la trilogie Bobée-Chéneau). Photo Tristan Jeanne Vallés.
FÉES, un spectacle du Groupe Rictus. Texte : Ronan Chéneau. Mise en scène : David Bobée. Interprétation : Fanny Catel-Chanet, Abigaïl Green, James Joint. Décor: Patrick Demière. Lumière : Stéphane Babi Aubert. Son : Frédéris Deslias. Vidéo : José Gherrak. FÉES a été publié aux Solitaires intempestifs (comme RES / PERSONA et CANNIBALES, les deux autres volets de la trilogie Bobée-Chéneau). Photo Tristan Jeanne Vallés.

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FÉES, un spectacle du Groupe Rictus. Texte : Ronan Chéneau. Mise en scène : David Bobée. Interprétation : Fanny Catel-Chanet, Abigaïl Green, James Joint. Décor: Patrick Demière. Lumière : Stéphane Babi Aubert. Son : Frédéris Deslias. Vidéo : José Gherrak. FÉES a été publié aux Solitaires intempestifs (comme RES / PERSONA et CANNIBALES, les deux autres volets de la trilogie Bobée-Chéneau). Photo Tristan Jeanne Vallés.
FÉES, un spectacle du Groupe Rictus. Texte : Ronan Chéneau. Mise en scène : David Bobée. Interprétation : Fanny Catel-Chanet, Abigaïl Green, James Joint. Décor: Patrick Demière. Lumière : Stéphane Babi Aubert. Son : Frédéris Deslias. Vidéo : José Gherrak. FÉES a été publié aux Solitaires intempestifs (comme RES / PERSONA et CANNIBALES, les deux autres volets de la trilogie Bobée-Chéneau). Photo Tristan Jeanne Vallés.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 100 - Poétique et politiqueCouverture du numéro 100 - Poétique et politique - Festival de Liège
100

ALEXANDRE CAPUTO : Com­ment êtes-vous venus au théâtre ?

David Bobee : C’est la ren­con­tre avec le tra­vail d’Éric Lacas­cade qui m’a décidé. Au départ je viens du monde du ciné­ma. Étu­di­ant en arts du spec­ta­cle à l’université de Caen, j’ai ren­con­tré Ronan qui étu­di­ait la philoso­phie. Les dis­cus­sions poli­tiques et esthé­tiques que nous avons eues ont pris forme sur le plateau. La ren­con­tre avec l’équipe tech­nique s’est égale­ment déroulée à l’université.

Ronan Chéneau : La manière de faire du théâtre par le groupe ani­mé par David m’a séduit. Il me sem­blait que la lib­erté que l’on pou­vait trou­ver au théâtre était supérieure à celle que l’on pou­vait trou­ver dans d’autres dis­ci­plines que j’avais explorées aupar­a­vant telle la musique ou les arts plas­tiques.

A. C. : Est-ce que vous partagiez un regard par­ti­c­uli­er ou atyp­ique sur le monde ?

R. C. : Nous avions de nom­breuses inter­ro­ga­tions et les dis­cours de l’époque dans lesquels on aurait pu se recon­naître ( les dis­cours de gauche ) ne nous sat­is­fai­saient pas. Mais il y a aus­si la ren­con­tre per­son­nelle, deux manières dif­férentes et com­plé­men­taires d’être au monde, une volon­té d’affirmer nos choix, fussent-ils atyp­iques.

D. B. : Nous nous sommes égale­ment retrou­vés sur la dif­fi­culté de pren­dre la parole, de dévelop­per des dis­cours. Nous nous sommes servis du théâtre, non pas pour tenir des dis­cours mais pour par­tir à la décou­verte. Le théâtre est ain­si devenu pour nous un ter­rain de recherche.

R. C. : Je côtoy­ais beau­coup de gens de gauche, notam­ment des anar­chistes. Leurs dis­cours étaient frontale­ment anti-améri­cains. Du coup, des aspects fon­da­men­taux de notre société tel notre rap­port à la con­som­ma­tion n’était pas pen­sé. De même, le rejet de la cul­ture pop­u­laire, de ce qui a du suc­cès, des chan­sons que l’on fre­donne. Aspects qu’il ne suf­fit pas de sim­ple­ment con­damn­er mais sur lesquels faut réfléchir parce que devenus incon­tourn­ables. Ce que fai­sait par exem­ple Gilles Lipovet­sky dans L’ÈRE DU VIDE qui dépeignait de façon révo­lu­tion­naire la paix liée à la société cap­i­tal­iste. Un regard plus ambiva­lent per­met de mieux penser les phénomènes liés à notre société.

A. C. : La paix que vous évo­quez se lim­ite à nos con­trées. Des sol­dats occi­den­taux con­tin­u­ent à se bat­tre sur d’autres con­ti­nents.

R. C. : Oui, le cap­i­tal­isme n’a pas évité la guerre, il l’a repoussée. Mais selon Lipovet­sky, il nous a évité des cat­a­stro­phes telles les guer­res nucléaires et nous main­tient dans une sorte de paix létale, qui n’en est pas moins insup­port­able, puisque cela veut dire aus­si que toute con­tes­ta­tion rad­i­cale est neu­tral­isée, d’où une mise en cause du poli­tique…

A. C. : Vous avez nom­mé votre com­pag­nie Ric­tus. Pourquoi ?

D. B. : J’évoluais dans des milieux de gauche mais moins rad­i­caux. Il me sem­blait que ceux-ci, par con­tre, accep­taient le monde tel qu’il était, quitte à se fon­dre en lui, ce qui ne me con­ve­nait pas non plus. Ronan et moi parta­gions une atti­tude « en biais », plus con­tra­dic­toire, plus com­plexe et frag­men­taire, moins dog­ma­tique.

Les idéolo­gies de nos par­ents, ces espèces d’autoroutes de la pen­sée, avaient com­plète­ment explosés. Et en explosant, des frag­ments de sens, d’idéologie se sont retrou­vés à la sur­face des choses. Notre démarche était de grat­ter la sur­face pour recom­pos­er du sens. Ric­tus, c’est cette atti­tude ambiva­lente, à la fois un sourire, à la fois une gri­mace.

Cette diag­o­nale du regard nous situe en biais, ni dans une accep­ta­tion, ni dans un rejet total du monde. J’aime cette approche cri­tique et la dis­po­si­tion d’esprit que demande une telle gri­mace.

A. C. : Votre pre­mier spec­ta­cle RES / PERSONA est sous-titré NOUS QUI AVONS ENCORE 25 ANS. La thé­ma­tique généra­tionnelle sem­ble être cen­trale dans votre tra­vail. Dans votre trilo­gie1 , vous abor­dez notam­ment la dif­fi­culté d’entrer dans l’âge adulte, de pren­dre place dans cette société. Par ailleurs la mode, la musique, le design, les out­ils de com­mu­ni­ca­tion
mais aus­si Spi­der­man (le film), bref, tout ce que l’on qual­i­fie générale­ment de pro­duits de con­som­ma­tion nour­rit vos spec­ta­cles. Out­re la cri­tique portée à notre mode de vie, ne s’agit-il pas égale­ment d’une déc­la­ra­tion d’amour à notre société ?

R. C. : La prouesse n’est pas d’arriver à faire une déc­la­ra­tion d’amour à Ikea mais sim­ple­ment de recon­naître que cela sculpte le sen­si­ble. Que l’on aime ou rejette pour des raisons poli­tique ces choses-là, qu’on le veuille ou non, cela déter­mine notre per­cep­tion du monde. Je ne vois pas com­ment l’on peut tra­vailler sur le réel – ce qui me sem­ble la fonc­tion prin­ci­pale d’un artiste – sans for­cé­ment abor­der ces choses-là et sans immé­di­ate­ment vouloir les juger, les bal­ay­er.

Notre généra­tion a été stig­ma­tisée comme apoli­tique, et cela par nos par­ents qui eux effec­tive­ment étaient la généra­tion la plus poli­tisée. Il y a aujourd’hui une artic­u­la­tion généra­tionnelle dif­fi­cile avec nos par­ents, une dif­fi­culté de se faire une place au monde. Nous avions donc, avec David, l’envie d’affirmer notre cul­ture, fut-elle très améri­can­isée et aus­si affirmer non pas notre apolitisme mais notre façon par­ti­c­ulière de penser la poli­tique.

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Alexandre Caputo
Alexandre Caputo est collaborateur artistique au Théâtre National de Belgique. Il est Président du Conseil...Plus d'info
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