Responsabilités limitées ?

Entretien
Théâtre

Responsabilités limitées ?

Entretien avec Jean-Benoît Ugeux

Le 12 Jan 2009
Jean-Benoît Ugeux et Anne-Cécile Van Dalem dans HANSEL ET GRETEL écrit et mis en scène par Jean-Benoît Ugeux. Photo Phile Deprez.
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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 100 - Poétique et politiqueCouverture du numéro 100 - Poétique et politique - Festival de Liège
100

ANTOINE LAUBIN : En Bel­gique, la « S.P.R.L. » est une « société privée à respon­s­abil­ité lim­itée ». Dans ton texte, l’appellation sert à la fois pour désign­er la struc­ture d’entreprise, mais aus­si la cel­lule famil­iale et, à un niveau beau­coup plus large, notre société dans son ensem­ble. C’est donc la notion de respon­s­abil­ité qui est ici pointée à chaque niveau.

Jean-Benoît Ugeux : La manière dont le monde s’organise naît pour moi de l’intersection entre la sphère famil­iale et celle du tra­vail. Ce n’est plus seule­ment l’artiste qui a une vie com­plète­ment pré­caire. Aujourd’hui, dans tous les boulots, tout le monde est sur la sel­l­ette. Même dans le secteur pub­lic. (Rap­pelons nous la fail­lite de la com­pag­nie aéri­enne Sabena). Même les gars qui pen­saient être à l’abri depuis des années n’ont plus la garantie de leur emploi. Comme le monde tra­vail oblige à être beau­coup plus sou­ple qu‘avant, que tu ne reprends plus le boulot de ton père dans la même entre­prise que lui, tu sais main­tenant que, quel que soit ton choix, il va avoir une influ­ence sur la famille. Il y a tou­jours eu des boulots qui ne per­me­t­taient que peu de vie « à côté » (agricul­teur, boulanger, etc.). Dans le domaine artis­tique, dès le début, tu sais qu’il n’y aura pas de sta­bil­ité, qu’il va fal­loir se bat­tre. Le spec­ta­cle par­le en effet prin­ci­pale­ment de la respon­s­abil­ité.

A. L. : Dans ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ et HANSEL ET GRETEL, tes deux pro­jets précé­dents, cette ques­tion de la respon­s­abil­ité était déjà cen­trale.

J.-B. U. : Les familles présen­tées dans les deux pro­jets précé­dents étaient beau­coup plus nucléiques que celle-ci. Dans SPRL, j’ai eu envie d’ouvrir un peu plus et de ne plus me lim­iter au cou­ple. La ques­tion est la même : com­ment, ne voulant pas assumer la respon­s­abil­ité de choix posés, la roue de l’histoire vous revient dans la gueule de façon très vio­lente : per­son­ne ne veut assumer ce qu’il a fait – que ce soit mal ou bien. C’est cela qui m’intéresse : ne pas pou­voir point­er un enne­mi fixe. J’aime qu’il n’y ait pas de véri­ta­ble coupable, qu’on s’aperçoive que cha­cun mène sa bar­que, sans être capa­ble de pos­er les choix qu’il faudrait au moment où il faudrait, et se retrou­ve coincé.

A. L. : Tu pos­es donc des ques­tions morales en refu­sant d’y répon­dre de manière morale.

J.-B. U. : Dans SPRL, je veille à ne pas dire « la faute c’est le cap­i­tal » ou « la faute c’est la famille », etc. Cha­cun entre­tient un sys­tème duquel il est trib­u­taire. Cer­tains per­son­nages per­me­t­tent au spec­ta­teur d’entrer dans l’histoire et de s’identifier à eux. Ici, c’est une étrangère qui vient pass­er un test d’embauche. C’est une manière plus déli­cate et sen­si­ble de faire croire au pub­lic qu’il est du bon côté, mais finale­ment la per­son­ne qui croit être du bon côté se retrou­ve aus­si coupable qu’une autre.

A. L. : C es per­son­nages per­me­t­tant au pub­lic d’«entrer » dans le sujet privé ne te ressem­blent-ils pas un peu ?

J.-B. U. : Oui et non. Ce qui me ressem­ble, c’est peut-être le fait que ces per­son­nages cherchent la solu­tion et ne la trou­vent pas. Ils s’aperçoivent du mag­ma dans lequel ils sont parce qu’eux-mêmes le fab­riquent et le cau­tion­nent. Ils appa­rais­sent finale­ment aus­si coupables que le gros dégueu­lasse ou le méchant assas­sin.

A. L. : Est-ce parce qu’ils sont tous excus­ables ou parce qu’ils sont tous défini­tive­ment cor­rom­pus ?

J.-B. U. : Les deux. Ils ont tous de bonnes raisons. J’essaie de créer un univers qui sug­gère les caus­es de la sit­u­a­tion dans laque­lle ils se trou­vent. À la fin, on ne doit pas trop savoir qui a gag­né.

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Antoine Laubin
Antoine Laubin
Metteur en scène au sein de la compagnie De Facto.Plus d'info
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