Le théâtre pour la jeunesse s’est développé dans l’espace francophone depuis les années 1990. Il propose des productions souvent engagées, dénonçant des problématiques sociopolitiques dans le dessein de sensibiliser et de conscientiser son jeune destinataire sur l’état du monde contemporain. Depuis une dizaine d’années, de récentes thématiques engagées au sein de ce répertoire traitent de l’écologie et plus exactement du désordre climatique. Tout en proposant un discours sur un problème social et sociétal d’envergure, ces textes permettent d’interroger la construction identitaire du personnage et par extension du jeune destinataire. Ainsi, lorsque le dérèglement climatique est abordé, il est souvent associé au bouleversement individuel. Dans les quelques pièces de théâtre que nous nous proposons d’aborder ici, il s’agit en outre d’appréhender en quoi les catastrophes naturelles rapportées peuvent métaphoriser l’état intérieur de personnages qui connaissent eux-mêmes des bouleversements dans leur développement personnel et doivent surmonter des chocs liés à l’existence.
À titre d’exemples, le texte Fiesta de Gwendoline Soublin (Espaces 34, 2021), sur fond d’actualité lors de sa publication, est en lien avec le confinement associé à la crise sanitaire du Covid. Il raconte comment des enfants parviennent à déjouer la solitude provoquée par l’isolement et à s’unir pour célébrer la vie et le collectif. Ils résistent ainsi à la tentation de céder à la peur et à l’individualisme, et ce, malgré une tempête dévastatrice qui retient chacun prisonnier. L’écriture associe récit choral – au passé et au présent – et dialogues. Elle invite à la mise en voix pour identifier l’énonciation et lever les difficultés de compréhension liées à la polyphonie informationnelle, tout en rendant sensible l’imbrication du collectif et de l’individuel. Tandis que la tempête « Marie-Thérèse » sévit et contraint la population à s’isoler sur injonction gouvernementale, les enfants d’un même immeuble s’organisent pour résister au climat anxiogène généré par la catastrophe. Pour eux, la résistance se matérialise dans la communication archaïque qu’ils entretiennent, tant bien que mal, par envoi de messages, des « boulettes de papier » jetées au gré du vent par les fenêtres de leur habitat. Par la suite, ils se décident à braver l’ultime interdit pour se retrouver physiquement dans une cave, motivés par le fait de célébrer l’anniversaire de leur ami Nono. C’est une exaltation du vivre, ainsi exhibée par ces enfants terrés dans cette cave qui hurlent les choses joyeuses de l’existence. À la fin de la pièce, au moyen d’une prolepse, le destinataire1 découvre les personnages d’enfants devenus adultes qui reviennent sur cette expérience de confinement, et il apprend par là même que Nono avait une maladie qui lui « rongeait le cerveau ». Décédé à l’âge de 11 ans, son dernier anniversaire dans cette cave aura été le plus réussi et le plus joyeux. Nono avait « une tempête dans la tête », un chaos intérieur, matérialisé dans la fiction par la tempête Marie-Thérèse, qui, invitant au courage, faisait des pieds de nez à la maladie. Le discours sur la maladie infantile qui s’insinue dans un second temps propose de continuer à célébrer la vie en dépit de la catastrophe – nécessairement polysémique dans le texte. En se rassemblant, en s’unissant, c’est dans le collectif que l’individu semble pouvoir trouver la force de surmonter les problématiques liées à l’intime, quand bien même l’issue est inexorable.







