Le nouveau vieil Avignon

Théâtre
Réflexion

Le nouveau vieil Avignon

Le 30 Mai 2013
TRAGÉDIES ROMAINES de William Shakespeare, mise en scène Ivo van Hove / Toneelgroep Amsterdam, Festival d’Avignon 2008. Photo Christophe Raynaud de Lage.
TRAGÉDIES ROMAINES de William Shakespeare, mise en scène Ivo van Hove / Toneelgroep Amsterdam, Festival d’Avignon 2008. Photo Christophe Raynaud de Lage.

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TRAGÉDIES ROMAINES de William Shakespeare, mise en scène Ivo van Hove / Toneelgroep Amsterdam, Festival d’Avignon 2008. Photo Christophe Raynaud de Lage.
TRAGÉDIES ROMAINES de William Shakespeare, mise en scène Ivo van Hove / Toneelgroep Amsterdam, Festival d’Avignon 2008. Photo Christophe Raynaud de Lage.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 117-118 - Utopies contemporaines
117 – 118

« L’acte est vierge, même répété. »

René Char

Un désir d’appartenance

AVIGNON ren­voie au mou­ve­ment cyclique des fêtes antiques, avec leurs résur­rec­tions annuelles suiv­ies d’une longue léthargie. Roland Barthes décrivait l’ennui qui suinte de la ville en plein hiv­er et son acuité se trou­ve exac­er­bée pour le vis­i­teur habitué à l’effervescence esti­vale, à la fièvre du fes­ti­val qui s’est érigé en mar­que iden­ti­taire. Ce dou­ble excès, décep­tif et fes­tif, par­ticipe du régime pro­pre aux petites villes qui, un mois, s’oublient pour s’épanouir et séduire afin de rechuter après les man­i­fes­ta­tions de l’excès qu’elles ont accueil­lis… Elles béné­fi­cient d’un statut d’exception qui les rend mythiques sans les empêch­er de revenir ensuite à la nor­mal­ité. Les villes des extrêmes ! Patrice Chéreau n’avouait-il pas avoir cessé de vouloir faire retour à Bayreuth par crainte de revivre la gri­saille de la cap­i­tale wag­néri­enne qui s’instaure une fois le fes­ti­val fini. C’est ce dont Barthes, à Avi­gnon, déplore aus­si l’expérience. Après les noces de l’été, le repli hiver­nal que l’on craint et fuit ! C’est ce à quoi se sont refusés Hort­ense Archam­bault et Vin­cent Bau­driller qui, pro­gres­sive­ment, se sont éloignés de Paris pour se déploy­er sur Avi­gnon et chercher appui dans son ter­ri­toire pour ne plus l’assimiler à un lieu de pas­sage et l’ériger en foy­er d’appartenance. Foy­er de fidél­ité à une com­mu­nauté et à sa réal­ité urbaine. Le fes­ti­val de l’été se nour­rit du rat­tache­ment hiver­nal : il se con­stru­it à par­tir de la ville et de ses habi­tants, les artistes sont appelés à s‘y plonger, les respon­s­ables ren­con­trent régulière­ment le pub­lic et les asso­ci­a­tions de spec­ta­teurs, et ain­si se con­stitue une nappe phréa­tique à même d’entretenir organique­ment le lien entre un cen­tre local respec­té et une ouver­ture inter­na­tionale cul­tivée. Ce lien inédit et orig­i­nal est devenu con­sub­stantiel au Fes­ti­val d’Avignon. Et ain­si, affir­ment les deux directeurs, le Fes­ti­val peut « s’affranchir des lois du marché » car rien ne leur est plus insup­port­able que la régu­la­tion de l’art par le marché ! Par con­tre ils souhait­ent inté­gr­er les muta­tions civil­i­sa­tion­nelles qui mod­i­fient la per­cep­tion du pub­lic, trans­for­ment le spec­ta­teur mar­qué par l’expérience des nou­velles tech­nolo­gies et des déplace­ments plané­taires. On ne regarde et on ne fait plus du théâtre à l’abri d’un tel renou­velle­ment !

À tra­vers les dix ans passés, la direc­tion d’un côté s’est appuyée sur un ter­ri­toire urbain pleine­ment inté­gré comme don­née du Fes­ti­val et de l’autre a élar­gi son ter­ri­toire artis­tique grâce à des choix con­stam­ment affir­més. Ter­ri­toire qui s’est dess­iné dans le temps
au point de se recon­naître car Hort­ense Archam­bault et Vin­cent Bau­driller ne se livrent pas à d’arbitraires prom­e­nades buis­son­nières, bien au con­traire, ils aiment décou­vrir selon un pro­jet préal­able et, tout autant, faire retour. Ain­si, autrement, se recon­firme leur désir d’appartenance qui finit par dégager une iden­tité :

le Fes­ti­val, durant ces dix années, a refusé la dis­per­sion au prof­it d’un découpage qui a révélé des aires et des per­son­nal­ités théâ­trales. Il s’est créé une famille, jamais close sur elle-même, mais repérable, con­cen­trée, affir­mée. Grâce à ses décou­vertes et ses fidél­ités, le Fes­ti­val

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Georges Banu
Écrivain, essayiste et universitaire, Georges Banu a publié de nombreux ouvrages sur le théâtre, dont...Plus d'info
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#117-118
juillet 2013

Utopies contemporaines

Festival d’Avignon 2004 – 2013
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